6
Un pacte avec l’Enfer
Prenant tout mon temps, je remontai lentement la rue pavée qui menait à la cathédrale. J’avais les mains moites, et mes pieds ne semblaient se soulever qu’à regret, à croire qu’ils étaient plus sages que moi ! Je devais les forcer à avancer, un pas après l’autre. Par chance, la soirée était glaciale, il n’y avait presque personne dehors, et je ne croisai pas un seul prêtre.
J’arrivai à la cathédrale avec une dizaine de minutes d’avance. En traversant le vaste parvis, je ne pus m’empêcher de jeter un coup d’œil sur la gargouille. Sa tête hideuse me parut encore plus grosse que la première fois, et ses prunelles de pierre, animées d’une lueur mauvaise, me suivirent tandis que je montais vers le portail. Je remarquai la longue langue qui sortait de sa gueule et les deux courtes cornes pointant sur son crâne, un peu comme celles d’une chèvre. La créature ne ressemblait à rien de ce que j’avais pu voir jusque-là, et cette totale étrangeté me donnait le frisson.
Détournant le regard, j’entrai dans la cathédrale.
Lorsque mes yeux se furent accoutumés à la pénombre, je constatai à mon grand soulagement que l’endroit était pratiquement désert.
La peur ne me quitta pas pour autant. Je n’aimais pas être là, sachant que des prêtres pouvaient surgir n’importe quand. Si le père Cairns m’avait tendu un piège, j’y fonçais tête baissée. De plus, j’avais pénétré sur le territoire du Fléau, qui, dès le coucher du soleil, serait au sommet de sa malignité, comme toute créature de l’obscur. Son esprit, émergeant des catacombes, serait peut-être bientôt à mes trousses.
Je devais régler cette affaire au plus vite !
Où se trouvaient les confessionnaux ? Quelques vieilles femmes étaient dispersées dans la nef. Puis j’aperçus dans un bas-côté un homme agenouillé non loin d’une sorte de placard de bois. D’autres placards semblables étaient alignés le long du mur : c’était là ! Au-dessus de chacun d’eux, il y avait une chandelle, protégée par un globe de verre. Une seule était allumée.
Je m’approchai et m’assis sur un banc. Au bout d’un moment, la porte de bois du confessionnal s’ouvrit, et une femme voilée de noir en sortit. Elle traversa l’allée et s’agenouilla un peu plus loin, tandis que l’homme prenait sa place. D’où j’étais, je l’entendais marmonner.
Je ne m’étais jamais confessé de ma vie. J’avais cependant une vague idée de la façon dont ça se passait. Un de mes oncles était devenu très religieux, peu avant sa mort. Papa le surnommait « saint Joe ». Il se confessait deux fois par semaine. Après avoir entendu ses péchés, le prêtre lui donnait une pénitence : une liste de prières à réciter.
L’homme resta dans le confessionnal un temps qui me parut durer un siècle. Je m’impatientais. Une pensée se mit à me tourmenter : et si le prêtre enfermé là n’était pas le père Cairns ? Je devrais alors improviser une véritable confession pour ne pas éveiller ses soupçons. J’essayai de me rappeler quelques fautes à peu près convaincantes. La gourmandise était-elle un péché ? À moins que ça s’appelle la gloutonnerie ? Non, ce n’était pas crédible. Certes, j’aimais bien manger, mais je n’avais rien avalé depuis le matin, et mon ventre ne cessait de gargouiller. La folie de mon entreprise me frappa soudain. Dans quelques instants, je me retrouverais peut-être prisonnier !
Pris de panique, je me levai et m’apprêtai à partir. C’est alors que je remarquai une petite carte glissée dans une encoche, au-dessus de la porte. Un nom y était écrit : Père Cairns.
L’homme sortait, justement. Je pris donc sa place et tirai le battant de bois.
L’intérieur du confessionnal était étroit et sombre, et, lorsque je m’agenouillai, mon visage se trouva face à une grille métallique. De l’autre côté de la grille pendait un rideau brun. Je devinai la lumière d’une chandelle, au-delà. À travers la grille, je ne distinguai qu’un profil noir.
Une voix au fort accent du Comté demanda :
— Voulez-vous que j’entende votre confession ?
Je répondis d’un haussement d’épaules. Puis, réalisant que le prêtre ne pouvait me voir clairement, je chuchotai :
— Non, mon Père. Je suis Tom, l’apprenti de M. Gregory. Vous vouliez me parler ?
Il y eut un bref silence, puis le père Cairns souffla :
— Ah, Thomas ! Je suis content que tu sois venu. Ce que j’ai à te dire est extrêmement important, et je te demande de m’écouter jusqu’au bout. Peux-tu me promettre de ne pas t’en aller avant que j’aie fini ?
— Je vous écouterai, fis-je, circonspect.
Je me méfiais des promesses, depuis quelque temps. Au printemps, celle que j’avais faite à Alice m’avait entraîné dans une sale histoire.
— Tu es un brave garçon, reprit le prêtre. Nous entreprenons ensemble une tâche décisive. Sais-tu de quoi il s’agit ?
Était-ce une allusion au Fléau ? Supposant qu’il valait mieux ne pas prononcer le nom de la créature si près des catacombes, je répondis :
— Non, mon Père.
— Eh bien, Thomas, il nous faut établir un plan et trouver le moyen de sauver ton âme immortelle. Tu devines déjà par quoi commencer, n’est-ce pas ? Tu dois t’éloigner de John Gregory ; tu dois cesser de pratiquer ces viles activités.
Agacé, je répliquai :
— Je pensais que vous vouliez me voir pour aider M. Gregory. Je l’ai cru en danger.
— Il est en danger. Nous sommes ici, toi et moi, pour lui venir en aide. Mais il faut d’abord t’aider, toi ! Feras-tu ce que je te demande ?
— Je ne peux pas. Mon père paie cher pour mon apprentissage ; quant à ma mère, elle serait extrêmement déçue. Elle dit que j’ai un don et que je dois le mettre au service des gens. C’est aussi ce que dit l’Épouvanteur. Nous circulons dans ce Comté pour protéger ses habitants des êtres malfaisants qui surgissent de l’obscur.
Il y eut un long silence. Derrière le rideau, je n’entendais plus qu’un bruit de respiration. Puis je trouvai un autre argument :
— J’ai aidé le père Gregory, vous savez ! Je n’ai pas sauvé sa vie, c’est vrai. Je lui ai tout de même évité une mort autrement plus affreuse. Au moins s’est-il éteint en paix, dans son lit.
Haussant un peu la voix, je continuai :
— Il a tenté de se débarrasser d’un gobelin et s’est mis dans une fâcheuse posture. Mon maître aurait pu le tirer de là. Il a des pouvoirs que les prêtres ne possèdent pas. Eux ne peuvent venir à bout des gobelins parce qu’ils ignorent comment s’y prendre. Quelques prières n’y suffisent pas.
Je savais que je n’aurais pas dû parler ainsi de la prière ; je m’attendais à une explosion de colère. Or, le père Cairns ne s’emporta pas, et la situation me parut pire encore.
— Oh non, cela ne suffit pas ! acquiesça-t-il d’une voix si basse que j’eus peine à l’entendre. Mais connais-tu le secret de John Gregory, petit ? Connais-tu l’origine de son pouvoir ?
— Oui, dis-je, retrouvant un peu de calme. Il a étudié pendant des années, il a consacré sa vie au travail. Il possède une bibliothèque pleine de livres, il a été un apprenti, comme je le suis à présent ; il a écouté avec attention l’enseignement de son maître et tout noté dans son journal ; c’est aussi ce que je fais.
— Et c’est ce que nous faisons également, l’ignores-tu ? On ne devient prêtre qu’après de longues années d’études. Les prêtres sont des hommes intelligents, formés par des hommes encore plus intelligents. Comment donc as-tu réussi là où le père Gregory a échoué, alors qu’il s’appuyait sur la sainte Bible, qui contient la Parole de Dieu ? Comment expliques-tu que ton maître accomplit de façon naturelle ce que son frère n’a jamais su faire ?
— Parce que les prêtres ne reçoivent pas la formation adéquate. Et parce que mon maître et moi sommes les septièmes fils d’un septième fils.
J’entendis un curieux bruit derrière la grille. Je crus d’abord que le père Cairns s’étranglait. Puis je compris qu’il riait. Il se moquait de moi !
Je trouvai cette réaction grossière. Mon père m’a appris à respecter les opinions des autres, même lorsqu’elles me paraissait stupides.
— Ce n’est qu’une superstition, Thomas, dit le prêtre. Être le septième fils d’un septième fils ne signifie rien. C’est un conte de bonne femme. La véritable explication est si terrible que je frissonne à cette seule idée. Sache, petit, que John Gregory a fait un pacte avec l’Enfer. Il a vendu son âme au Diable.
Je n’en crus pas mes oreilles. J’ouvris la bouche, mais aucun mot n’en sortit, et je me contentai de secouer la tête.
— C’est la vérité, Thomas. Tous ses pouvoirs lui viennent du Diable. Ce que toi et les gens du pays appelez des gobelins sont des démons mineurs, qui ne sévissent que parce que leur Maître infernal le leur permet. Le Diable a donné à John Gregory autorité sur eux ; en retour, il prendra un jour possession de son âme. Or, une âme est précieuse pour Dieu, faite de lumière et de splendeur ; et le Diable n’a de cesse de la salir avec ses œuvres de péché, pour la tirer dans les flammes éternelles de l’Enfer.
La colère m’envahit.
— Et moi ? dis-je. Je n’ai vendu mon âme à personne. Pourtant, j’ai arraché le père Gregory à un gobelin.
— C’est simple, Thomas. Tu es un serviteur de l’Épouvanteur – comme tu le nommes –, qui, lui, est un serviteur du Diable. Tu bénéficies donc des appuis de l’Enfer lorsque tu travailles pour lui. Bien sûr, si tu termines ton apprentissage et que tu te prépares à poursuivre cette vile pratique en tant que maître, et non plus en tant qu’apprenti, alors, ce sera ton tour. Tu devras signer le pacte diabolique. John Gregory ne t’en a pas encore parlé à cause de ton jeune âge, mais il le fera. Et, quand ce moment sera venu, tu ne seras pas étonné, parce que tu te souviendras de mes paroles. John Gregory a commis de grandes fautes dans sa vie, il s’est écarté du chemin de la grâce. Sais-tu qu’il a été prêtre, autrefois ?
— Oui.
— Et sais-tu comment, à peine ordonné, il a trahi sa vocation ? Connais-tu son infamie ?
Je ne répondis rien. Le père Cairns allait me le dire, de toute façon.
— Selon certains théologiens, les femmes n’ont pas d’âme. Ce débat n’est pas clos, mais ce qui est sûr, c’est qu’un prêtre ne doit pas prendre femme. Cela le détournerait de sa dévotion envers Dieu. La faute de John Gregory est double : non seulement il s’est laissé attirer par une femme, mais celle-ci, une certaine Emily Burns, était fiancée à l’un de ses frères. Ce scandale a déchiré la famille, dressant un frère contre un autre.
À cette minute, je pris le père Cairns en grippe. J’imaginais la réaction de ma mère si elle l’avait entendu suggérer que les femmes n’avaient pas d’âme ! Elle l’aurait écorché vif ! Malgré tout, ce qu’il avait dit de l’Épouvanteur excitait ma curiosité. J’étais déjà au courant de ses aventures avec Meg. Et voilà qu’auparavant il avait été lié à une Emily Burns ! J’étais stupéfait et fort désireux d’en apprendre davantage.
— M. Gregory a-t-il épousé Emily Burns ? demandai-je.
— Au regard de Dieu, jamais ! Elle était de Blackrod, d’où notre famille est originaire, et elle y vit encore aujourd’hui, seule. On prétend qu’ils se sont disputés. Quoi qu’il en soit, John Gregory épousa finalement une autre femme, qu’il avait rencontrée à l’extrême nord du Comté et ramenée dans le sud. Elle s’appelait Margery Skelton, et c’était une sorcière notoire. On la connaissait sous le nom de Meg, et, à l’époque, elle était crainte et détestée sur toutes les landes d’Anglezarke, ainsi que dans les villes et villages du sud du Comté.
Je ne fis aucun commentaire. Il s’attendait à ce que je me montre choqué. Je l’étais, en vérité, mais ce que j’avais lu dans le journal de l’Épouvanteur, à Chipenden, m’avait préparé au pire.
J’entendis le père Cairns renifler, tousser. Puis il poursuivit :
— Sais-tu auquel de ses six frères John Gregory a fait du tort ?
Je l’avais deviné.
— Au père Gregory, dis-je.
— Dans une famille pieuse comme l’était la famille Gregory, il est de tradition que l’un des fils reçoive les saints ordres. Lorsque John trahit sa vocation, un autre frère prit sa place et commença ses études pour devenir prêtre. Oui, Thomas, c’était le père Gregory, celui qui a été enterré aujourd’hui. Il avait perdu sa fiancée, et il avait perdu un frère. Que pouvait-il faire d’autre que se tourner vers Dieu ?
Quand j’étais arrivé à la cathédrale, elle était presque vide. Pourtant, tandis que nous parlions, je percevais une rumeur, à l’extérieur du confessionnal, des bruits de pas, des murmures de voix. Soudain, un chant s’éleva. Sept heures avaient dû sonner depuis un bon moment. Je décidai qu’il était temps de trouver un prétexte pour m’esquiver.
Or, avant que j’aie ouvert la bouche, le père Cairns s’agita.
— Viens avec moi, Thomas, dit-il. Je veux te montrer quelque chose.
Il ouvrit sa porte et sortit du confessionnal. Je me levai donc et le suivis.
Il me conduisit vers l’autel, de chaque côté duquel un chœur de jeunes garçons, vêtus de soutanes noires et de surplis blancs, était soigneusement aligné sur trois rangs.
Le père Cairns s’arrêta et, posant sa main bandée sur mon épaule, il murmura :
— Écoute-les, Thomas ! Ne croirait-on pas entendre des anges ?
N’ayant jamais entendu chanter un ange, je ne pouvais en juger, mais leurs voix étaient plus agréables que celle de mon père qui fredonne toujours quand la traite s’achève. Papa a une voix à faire tourner le lait !
— Tu aurais pu être un membre de ce chœur, Thomas. Malheureusement, il est trop tard, tu as commencé à muer.
Sur ce point, il avait raison. La plupart des garçons étaient plus jeunes que moi et avaient des timbres aigus de filles. De toute façon, je chantais aussi faux que mon père.
— Il y a cependant d’autres choses que tu peux encore faire. Viens… !
Il me mena derrière l’autel, me fit franchir une porte, longer un corridor et sortir dans le jardin attenant à la cathédrale. En vérité, ses dimensions étaient plutôt celles d’un champ, et des légumes y poussaient, en lieu et place de fleurs et de rosiers.
Il commençait à faire sombre ; on y voyait cependant assez pour que je distingue une haie d’aubépine, au fond, et au-delà les pierres tombales du cimetière. Non loin de nous, un prêtre était agenouillé, un semoir à la main. C’était un bien petit semoir pour un aussi grand potager !
— Tu viens d’une lignée de fermiers, Thomas. C’est un bon et honnête métier. Tu te sentiras chez toi en travaillant ici, déclara-t-il en désignant le jardinier du doigt.
Je secouai la tête.
— Je ne désire pas devenir prêtre, dis-je d’un ton ferme.
— Oh, jamais tu ne pourras l’être ! se récria le père Cairns, indigné. Tu as été trop proche du Diable pour cela, et on devra te surveiller de près jusqu’à la fin de tes jours, de peur que tu retombes sous son pouvoir. Non, cet homme est un frère.
— Un frère ? répétai-je, étonné, me demandant si c’était quelqu’un de sa famille.
Le prêtre sourit :
— Dans une grande cathédrale comme celle-ci, les prêtres ont des assistants. Nous les appelons des frères, car, bien qu’ils administrent certains sacrements, ils se chargent d’autres besognes, plus matérielles, et font partie de la grande famille de l’Église. Frère Peter est notre jardinier, et il excelle à cette tâche. Qu’en dis-tu, Thomas ? Aimerais-tu devenir un frère ?
Étant le plus jeune d’une fratrie de sept, j’avais assuré tous les sales boulots dont personne ne voulait. Ça avait l’air d’être la même chose ici. De plus, j’avais déjà un métier, et je ne croyais pas un mot de ce que le père Cairns m’avait raconté sur les relations de l’Épouvanteur avec le Diable. Son histoire m’avait bien un peu ébranlé, mais, au fond de moi, je savais que ce ne n’était pas vrai. Mon maître était un homme bon.
Il faisait de plus en plus sombre et de plus en plus froid ; je décidai donc que le moment était venu de prendre congé.
— Merci pour cette conversation, mon Père, fis-je. Pourriez-vous me dire à présent, s’il vous plaît, quel danger menace M. Gregory ?
— Chaque chose en son temps, Thomas, répondit-il avec un petit sourire.
Remarquant son air matois, j’eus le sentiment d’avoir été berné. Le père Cairns n’avait eu aucune intention de venir en aide à l’Épouvanteur.
— Je vais réfléchir à votre proposition, repris-je. Pour l’heure, il faut que je m’en aille, sinon, je vais rater le souper.
Je pensais avoir trouvé une bonne excuse. Il n’était pas censé savoir que je jeûnais afin de me préparer à affronter le Fléau.
— Tu souperas avec nous, Thomas. En fait, nous souhaitons que tu passes la nuit ici.
Deux autres prêtres venaient de surgir par la petite porte de côté et s’avançaient vers nous. C’étaient des costauds, et je n’aimais pas l’expression de leur visage.
Pendant une seconde, j’aurais sans doute eu la possibilité de partir en courant. Mais il me parut stupide de m’enfuir avant d’apprendre ce qui allait se passer. L’instant d’après, il était trop tard. Les deux prêtres m’avaient encadré, chacun m’ayant empoigné fermement par un bras et par une épaule. Je ne résistai pas, parce que ça n’aurait servi à rien. Ils avaient de grosses mains si lourdes que, s’ils m’avaient maintenu trop longtemps à la même place, j’aurais commencé, me semblait-il, à m’enfoncer dans le sol. Ils m’emmenèrent dans la sacristie.
— C’est pour ton bien, Thomas, m’assura le père Cairns en entrant derrière nous. L’Inquisiteur va arrêter John Gregory ce soir. Il aura droit à un procès, évidemment. Cela dit, l’issue en est certaine. Il sera reconnu coupable de commerce avec le Diable et condamné au bûcher. C’est pourquoi je t’empêcherai de le rejoindre. Toi, il te reste une chance. Tu n’es qu’un enfant, dont l’âme peut être sauvée sans qu’il soit nécessaire de te brûler. Si on te prenait avec lui au moment de son arrestation, tu subirais le même sort. Je te le répète, j’agis pour ton bien.
— Mais c’est votre cousin ! explosai-je. Un membre de votre famille ! Comment pouvez-vous accepter une chose pareille ? Laissez-moi l’avertir !
— L’avertir ? Crois-tu que je ne l’aie pas fait ? Depuis des années je ne cesse de le mettre en garde. Maintenant, je dois songer à son âme avant de m’inquiéter de son corps. Les flammes le purifieront. L’épreuve de la douleur le sauvera. Ne vois-tu pas, Thomas, que c’est pour moi la seule façon de l’aider ? Notre salut éternel n’est-il pas plus important que ce bref passage en ce monde ?
— Vous l’avez trahi ! Lui, quelqu’un de votre propre sang ! Vous avez révélé notre présence ici à l’Inquisiteur !
— Seulement celle de John. Rejoins-nous, Thomas ! Ton âme sera lavée par la prière, et ta vie ne sera plus en danger. Qu’en dis-tu ?
Il n’y avait pas de discussion possible avec un homme à ce point assuré de détenir la vérité, aussi ne gaspillai-je pas ma salive. Je me tus.
On n’entendit plus que l’écho de nos pas et un cliquetis de clés, tandis que les prêtres m’entraînaient dans les profondeurs obscures de la cathédrale.